Médecin de campagne – Acte militendre

Médecin de campagne est un film gentil. Bienveillant, pour être plus précis. Une histoire pétrie de bons sentiments, politique certes, mais portée naïvement.

Attention ! Ne prenez pas ça pour de l’ironie mal placée. Au contraire, Médecin de campagne, c’est à noter, est un film qui sait se faire aimer. À la condition (essentielle) de laisser son cynisme de côté.

C’est vrai, le syndrome « téléfilm TF1 » n’est jamais bien loin. Sans être dans Joséphine, ange gardien, n’exagérons rien. Même si l’esthétique de service public ne manquera pas de laisser sceptique.

Sans compter qu’eu égard au sujet traité, on aurait tout de même pu s’attendre à davantage de grinçant, à un peu plus de radicalité.

La problématique des déserts médicaux, du vieillissement de campagnes délaissées au profit d’une urbanité toujours plus marquée, du droit à mourir chez soi en toute dignité plutôt qu’au sein d’un hôpital totalement esseulé : l’occasion était belle de réaliser un vrai beau film populaire, politique et engagé.

De ce point de vue, Thomas Lilti (Hyppocrate) a choisi une voie empreinte de facilité (sans être dénuée d’intérêt) en produisant un film certes à propos, mais à la profondeur thématique faisant cruellement défaut.

Si Jean-Pierre Werner, le médecin incarné par François Cluzet, est un personnage au potentiel certain, écrit, dépeint, et incarné avec soin, sa complexité se voit très vite étouffée par l’irruption de celui de Nathalie Delezia (Marianne Denicourt, à la prestation nettement en deçà), figure féminine au classicisme un peu étonnant (les femmes de plus de quarante ans sur grand écran, ce n’est pourtant pas – malheureusement – si courant), n’existant que pour apporter bienveillance, réconfort, support.

Tragique (après tout, Werner est atteint d’une tumeur au cerveau), la situation de ce dernier sera toujours contrebalancée, relativisée par la pureté de sa collègue, volontaire, combative, que l’on ne peut qu’aimer. Bref, on sent bien que dans pareil contexte, il ne pourra rien lui arriver.

Or en tant que métaphore personnifiée d’un exercice de la médecine ayant tendance à être négligé, clairement en danger de disparition, aux nécessaires devoir de modernisation mais dont l’essence se doit d’être préservée (le respect des patients, et l’importance de la proximité), au regard de l’épreuve personnelle qu’il doit affronter, la relative facilité avec laquelle Werner passera au travers ne manquera pas d’interroger.

Aussi, la morale du film, bien que belle (du reste importante), n’en est pas moins trop superficielle pour s’avérer pleinement convaincante.

Pourtant, cette candeur d’ensemble, l’amour de tous les personnages impliqués dans l’histoire a  malgré tout réussi à nous émouvoir.

Et oui ! Derrière notre cœur empli de froideur, force est d’admettre que la carte de l’émotion a joué à plein, nous prenant par surprise surtout par des petits riens.

Reconnaître des personnes que l’on a pu côtoyer, s’identifier à des situations, des lieux emprunts d’une certaine véracité. Surtout, se sentir concerné par un problème de société sur lequel tout le monde devrait se pencher.

Médecin de formation, Thomas Lilti (et ça se sent) y a injecté beaucoup de lui, moins dans la représentation de la dite profession que dans l’empathie qu’il a su insuffler à son récit.

Parfaitement relayé par un François Cluzet à sa main, au ton juste et au jeu fin. En fait, c’est aussi simple que ça : on y croit. On croit à son rôle, ses doutes, sa passion, ses colères, ses combats.

Tout comme à la vie de la ville de Thorigny-sur-Marne, dont Lilti a su capter l’atmosphère, pour en retirer un fort sentiment de véracité. En somme, une dimension sociologique très bien travaillée.

Cela peut paraître anecdotique, mais tout l’intérêt du film se trouve là : celui d’être porté par un sentiment familier réellement touchant, surtout par des personnages d’une grande humanité.

Et ça, malgré tout le cynisme qui peut d’ordinaire nous caractériser, on ne l’aurait franchement pas anticipé.

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Film vu dans le cadre du Festival Cinemania 2016.

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4 commentaires

  1. regardscritiquesho22

    On pouvait s’y attendre et je m’y attendais un peu: « Médecin de campagne » est un film hyper-classique avec une mise en scène hyper-classique, un scénario hyper-classique.
    Bon, ça se laisse regarder, du moins au début, et c’est une bonne surprise. C’est un médecin de campagne, brillamment interprété, comme d’habitude, par François Cluzet. On attend le personnage féminin, parce que, dans ce type de films, il y en a toujours un. Ca ne manque pas. Arrive Marianne Denicourt, qui, ma foi, tire bien son épingle du jeu. Tout le début est assez bien vu, surtout l’analyse des relations entre les deux personnages. C’est par la suite que cela se gâte. Tout est un peu prévisible, un peu cousu de fil blanc. Plus grave, l’intrigue s’effiloche assez rapidement, et on s’ennuie… Cela tient probablement à l’absence de rigueur du scénario, qui se réduit sur la fin à une accumulation de séquences sans grand lien entre elles et aux clichés, qui, eux aussi, s’accumulent. On a bien l’impression que le réalisateur a hésité entre le docu-fiction sur la médecine de campagne et la relation amoureuse entre les deux personnages.
    Bien sûr, certaines scènes sont bien vues, mais, dans le genre, « Hippocrate », du même réalisateur, Thomas Lilti, m’avait paru beaucoup plus convaincant. Un film comme « La Maladie de Sachs », de Michel Deville est également beaucoup plus fort, beaucoup plus émouvant.
    Disons qu’il s’agit plutôt d’un petit film, sauvé en partie par ses deux interprètes principaux.

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    1. JulienLeray

      Je suis assez d’accord avec votre point de vue, même si je ne me montrerai pas forcément aussi sévère, dans la mesure où le film réussit ce qu’il a entrepris, à savoir émouvoir 🙂 En tous cas pour moi, ça a fonctionné, en dépit de ses faiblesses structurelles évidentes.

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