Le Grand Méchant Renard et autres contes… – Chicken Fun

Il est sans nul doute un côté désarçonnant à se retrouver devant un vrai film pour enfants. Entendons par vrai le fait de n’y retrouver en son sein nulle (ou très peu) trace de références méta, de clins d’œil équivoques seulement compréhensibles par un public adulte ayant besoin d’être flatté, afin de compenser un trop plein de bons sentiments et de naïveté.

Une logique déjà à l’œuvre dans Ernest et Célestine du même (co)auteur, où la pureté de la forme et la tonalité volontiers enfantine (en dépit de sujets d’une grande gravité) relevaient d’un premier degré à dessein pleinement assumé. Et que l’on retrouvera tel quel, même davantage poussé, dans Le Grand Méchant Renard et autres contes…. De ce point de vue, mieux vaut donc y être préparé.

Car il serait dommage de s’arrêter à la tonalité volontairement naïve, sinon mièvre, qui anime le dernier-né de Benjamin Renner et de Patrick Imbert. À la facilité des gags, à l’humour de situation volontiers exagéré, à la caractérisation des animaux anthropomorphes somme toute archétypale et sans réelles nuances. Les gentils seront très gentils. Les méchants, très méchants (mais pas trop tout de même).

Le contrat posé (et bien sûr accepté), place alors à un petit plaisir aussi beau qu’attachant, qui exigera certes abandon et écoute de son âme d’enfant, mais qui, pour peu que l’on accepte de se prêter au jeu, saura au final se montrer tout à fait gratifiant.

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À l’instar une nouvelle fois d’Ernest et Célestine, mais aussi de La Prophétie des Grenouilles ou encore de La Jeune Fille Sans Mains, Le Grand Méchant Renard et autres contes… ne se contente pas de proposer une animation traditionnelle à l’esthétique de haute volée : il en repousse la noblesse et la portée en faisant de ses dessins des croquis que l’on a littéralement l’impression, par-delà l’écran, de pouvoir toucher.

Le travail effectué sur le grain de l’image et les textures en viendrait ainsi à nous faire ressentir toute la richesse palpable du papier. Évoquant en cela non seulement l’œuvre d’Isao Takahata sur Le Conte de la Princesse Kaguya, mais aussi de manière plus inattendue ce qu’a pu accomplir Ben Fiquet, cofondateur du studio Lizardcube, sur le superbe remake du jeu Wonder Boy III, Wonder Boy: The Dragon’s Trap. Autre média, autre direction artistique qui laisse pantois.

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Une excellence visuelle à laquelle on aurait pourtant tort de réduire Le Grand Méchant Renard, tant celui-ci a de la matière et du corps à revendre. Construit comme une pièce de théâtre composée de trois segments distincts, et interprétés par la même troupe de « comédiens », Le Grand Méchant Renard offre donc trois histoires différentes, à même de contenter toutes les sensibilités. « Un bébé à livrer », « Le Grand Méchant renard », et « Il faut sauver Noël », deux comédies encadrant le récit possédant la plus forte dimension dramatique (ce qui ne saurait pour autant le vider de sa substance lui-aussi comique), formant alors des montagnes russes au rythme soutenu, riches en péripéties et en situations cocasses. Sans rire à gorge déployée, ou pleurer à chaudes larmes, on se surprend pourtant fréquemment à échapper un gloussement, à être ému devant de petits moments de grâce réellement touchants. Et quand la carapace se voit ainsi percée, c’est quelque chose d’intéressant s’est forcément passé.

Sans atteindre la qualité d’écriture d’Ernest et Célestine, ni la finesse dont la plume de Daniel Pennac avait paré ce dernier, Le Grand Méchant Renard et autres contes… peut néanmoins s’enorgueillir de proposer lui-aussi un spectacle d’une sincérité communicative, conçu avec un soin remarquable, véritable déclaration d’amour à un cinéma d’animation où l’ambition se situe moins dans ses velléités narratives que dans son rapport intime aux émotions. Un film pour tout-petits élégant et brillant : un exemple à suivre malheureusement pas si courant.

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Film vu dans le cadre des Sommets du cinéma d’animation 2017.

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